CHAPTER I - A Curse I can't NameIl a cinq ans et il est tombé du haut de la commode dans laquelle ses parents rangent les confiseries. Il a cinq ans et les réprimandes de sa mère lui apparaissent comme étant la fin du monde. Il larmoie, il hurle et ses excuses d'enfants montent dans les aigus, grimpent le long de rideaux de la patience de sa génitrice. La table en bois massif qui se trouve en face de lui, juste assez loin de sa mère pour ne pas représenter un danger, explose lorsqu'il se met à pleurer. Ses larmes gagnent en intensité, alors que le bois se fend et que des échardes s'enfoncent dans les paumes potelées de ses mains.
Sa mère qui, jusque là, vociférait sévèrement à son intention, se tait pour le contempler d'un air livide, choqué. Elle a ce mouvement de recul qui l'aurait blessé s'il l'avait vu. Ses mains lui font mal et ses plaintes couvrent si bien le silence qu'il ne réalise pas immédiatement que sa mère ne dit plus rien.
Éventuellement, sa crise s'estompe et il constate être maintenant seul dans la cuisine avec les décombres de la table pour lui tenir compagnie.
Il ne comprend pas ce qui se passe.
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Il a tout oublié de l'incident, cinq jour plus tard, lorsque l'on vient le récupérer. Il a remarqué que ses parents l'évitent, que son père lui tend ses repas sans les partager avec lui, mais ne s'en formalise pas particulièrement. Il a cinq ans, mais il n'est pas tout à fait stupide. Il croit que sa mère est en colère, il croit qu'il est puni. Ce ne serait pas la première fois.
Son ancre entre les doigts, il s'amuse à créer des univers dans lesquels il est ce héro qui traverse les plaines à dos de chorusati. Il s'imagine sauver les opprimés et découvrir toutes les contrées mystérieuses que le cataclysme a avalé.
Il est, ainsi, perdu dans son jeu, lorsque l'on frappe à la porte et qu'on pénètre l'enceinte de sa maison sans qu'il entende ses parents répondre. Il redresse la tête lorsque les pas s'arrêtent en bordure du petit salon.
On lui dit qu'il ne peut pas rester avec ses parents et il proteste du mieux que ses mots d'enfants le lui permettent. Il vocifère, mais jamais ses géniteurs, qui sont dressés dans un coin de la pièce, ne bougent pour intervenir, pour le protéger.
Il les appelle, alors qu'on l'attrape pour l'emmener et sa vision se brouille de larmes.
Il ne comprend pas, il ne comprend vraiment pas.
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Il a peur, lorsque les portes de la citadelle se ferment pour la première fois derrière lui.
Il a peur et il ne comprend toujours pas ce qui se passe.
CHAPTER II - A Burden I will CarrySes articulations craquent lorsqu'il se redresse, au petit matin, pour aller se préparer à l'entrainement à venir. Alma l'a convoqué pour des cours particuliers, citant la dangerosité particulière de sa raisonnance comme raison valable pour doubler les leçons privées. Il anticipe déjà le poids de la fatigue sur son corps, la manière dont ses doigts trembleront et dont ses paupières tressailliront.
Il enfile les loques sombres qui lui servent d'uniforme et secoue ses cheveux. Du haut de ses douze ans, il s'est habitué à la routine de la citadelle, à cette réalité dans laquelle il est un porteur de peur condamné à obéir à une organisation bafouée et effrayée. Il s'est habitué, mais le quotidien le démange.
Les années ont su lui expliquer les raisons de sa présence au sein la Citadelle. Maintenant, il comprend ce qui se passe. Pourtant, il questionne souvent Alma, la seule réellement disposée à l'écouter, sur la stagnation de leur enfermement. Malgré ses efforts, il ne se heurte généralement qu'à des soupirs et des œillades embêtées.
Il sautille, dépasse les lits des autres garçons qui partagent son dortoir, soufflant des baisers à ceux qu'il préfère et qui dorment encore. Il referme la porte derrière lui avec précaution, puis laisse les semelles de ses chausses de cuir claquer contre la pierre du couloir.
Alma l'attend et elle déteste qu'il soit en retard.
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" Mais, pourquoi, ô Ynestiolle pourquoi, vous êtes-vous infiltrés dans la chambre de Lamfer !? "
" C'était Elem ! "
" Bien sûr que c'était Elem..."
" Qu'as-tu a dire pour ta défense ? "
" . . . je voulais comparer nos ancres ? "-
Alma est cette femme qui se tient bien droite et qui s'est portée volontaire pour être sa tutrice dû à la similitude de leur raisonnance. Alors qu'il était encore bambin et qu'il ne pouvait faire deux pas sans pleurnicher au sujet de l'abandon de ses parents, alors qu'il détruisait à tout va le mobilier des mages, elle lui avait enseigné la musique.
Elle lui avait parlé des notes et des sons, l'avait présenté aux oiseaux s'aventurant en bordure des grandes fenêtres de la citadelle. Elle lui avait enseigné, comme on murmure un secret, comme on donne un cadeau, à concentrer tout ce qui lui faisait mal, tout ce qui lui faisait peur dans l'écrin des sons qu'il produisait. Elle lui avait d'abord appris à chanter et remarquant son engouement pour l'activité, lui avait offert, pour ses quatorze, un luth de bois sombre.
Il a seize ans, maintenant, et lors des repas, sous la surveillance des aînés les plus conciliants, il manie son instrument pour le plaisir des oreilles. C'est un après-midi tranquille, au grand bonheur des mages, qui ont davantage l'habitude de le poursuivre pour l'empêcher de recréer le Cataclysme.
Nombreux sont les habitants de la Citadelle qui louent quotidiennement Alma d'être parvenue à trouver un moyen de contenir les intempéries caractérielle d'Elem tout en encourageant la maîtrise de sa raisonnance.
Elem ne s'en plaint pas non plus. La musique est la chose qu'il aime le plus au monde.
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" Ta petite expérience nous a valu l'inondation des cuisines Elem ! "
" ... je voulais juste voir à quel moment la pression de l'eau allait faire éclater les fenêtres... "
". . . "-
Parfois, lorsque les mages jugent qu'il va trop loin, on le place dans une pièce de pierre sans fenêtres et sans meubles. Il a vingt ans et il ne sait pas depuis combien de temps il croupit dans la salle d'isolement. Suffisamment longtemps pour que sa gorge soit sèche et ses doigts engourdis. Étendu sur son flanc, il attend que quelqu'un vienne le chercher et le temps s'effrite entre ses synapses. Il n'a plus la force de chanter.
Déchirer des pages de vieux tomes que plus personnes ne lisaient pour en faire des combustibles avait été une mauvaise idée et il en paye le prix. Il espère qu'Alma aura pitié de lui, il espère qu'elle ne l'oubliera pas.
Dans ces moments, où son monde est restreint à une pièce sans couleurs, sans tonalités, il rêve, comme cet enfant qu'il était autrefois, chevaucher un chorusati au travers des plaines de Bellaphone.
Lorsqu'Alma vient le récupérer, trop longtemps plus tard, il ne le relève pas la tête pour l'accueillir. Le poids de la citadelle sur sa volonté est très lourd à porter.
CHAPTER III - A Cataclysm I will Spread"
Ils te l'ont fait à toi et maintenant ils essaient de me le faire à moi !? ", sa voix résonne contre les parfois du couloir dans lequel il confronte Alma. Il la saisit par les épaules et la secoue sous le joug d'une émotion que la musique n'est pas en mesure de l'aider à contenir.
"
Tu m'as dit que j'étais prêt à partir ! Tu m'as dit que mon éducation était complète ! "
Il a vingt-quatre ans et, une semaine plus tôt, Alma a souligné sa maîtrise de sa raisonnance. Sourire aux lèvres, elle l'a félicité d'une manière qu'elle le faisait rarement, brodant ses paroles de sucre et ses expressions de sirop. Ils avaient discuté, autour d'un verre, des possibilités à mettre en place lors de son départ de la Citadelle, des paysages qu'il pourrait voir et des gens qu'il pourrait rencontrer.
Pourtant, les Haut Mages en ont décidé autrement.
"
Répète-leur que je peux le faire ! "
Son chagrin est vivace, un orage bruyant qui attire l'œil des autres disciples. Il veut changer la décisions des mages, veut comprendre pourquoi, malgré son talent, on voit pertinent de le garder enfermer.
Il calomnie, il supplie.
Alma, pour toute réponse, se contente de baisser les yeux.
Il baisse les bras, la toise, incrédule.
L'abandon, la trahison, a le même goût qu'autrefois.
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La nuit tombée, son luth attaché dans son dos, il contemple les fenêtres près desquelles il a étudié le chant des oiseaux. Ses doigts serrés sur son ancre sont blanchis par l'émotion. Les couloirs sont vides et les rares mages encore debout arpentent probablement la bibliothèque ou la cuisine.
Elem, lui, fixe le monde en contrebas. L'obéissance totale, cette chose qu'il ne comprend pas est le dernier mur qui le sépare de la liberté. Il suppose, qu'à bien y réfléchir, il s'agit d'une manière de le contrôler même lorsqu'il se retrouvera à l'extérieur.
Trop puissant, trop dangereux, effigie de la colère d'Ynestiolle.
Il ne veut plus vivre enfermé.
Sa raisonnance fend l'atmosphère et la fenêtre, d'un détour de sa pensée, explose. L'air fouette ses joues lorsqu'il se jette dans le vide.
Vaut mieux mourir.
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Contre toutes attentes, il ne trouve pas la mort dans sa chute. Un miracle vient le faire s'échouer dans de la paille et il s'en sort sans trop de mal, essuyant une cheville foulée et une côte fêlée ou deux. Il considère que c'est un bien maigre prix à payer en échange de sa liberté.
Sa conscience s'étiole au gré des étoiles et il clopine au travers des rues de Valdéroc. Sa cheville enflée lui fait un mal de chien, mais il ne daigne pas s'arrêter par peur que les mages soient déjà à sa poursuite. Les entraînements vécus au sein de la Citadelle auront servi à le rendre assez fort pour braver la douleur, pour persister dans l'adversité.
Il vole des vêtements suspendus à l'extérieur d'une chaumière et remplace ses loques sombres par des teintes dont il n'a jamais pu faire l'expérience.
Il fuit et ne s'arrête pas avant d'avoir quitté Valdédroc.
Il ne se retourne pas, il ne regarde pas en arrière.
CHAPTER IV - A Secret I will SingCela fait un an qu'il a quitté la Citadelle.
Couronne de vivialandis posée sur la tête et manteau de plumes noires pour égayer son pantalon canari, Elem ne s'est jamais senti aussi vivant. Malgré la difficulté des premiers mois et l'affligeant manque de connaissances pratiques en sa possession, il ne s'en est pas trop mal sorti. Sa raisonnance, secret qu'il ne partage point, part de lui-même qu'il tait, demeure cet outil fortuit qui lui permet d'arpenter le monde sans trop de crainte pour sa sécurité.
Tant d'expériences à vivre, tant de choses à voir. Il a l'impression de vivre une nouvelle aventure à chacun de ses éveils, de goûter une nouvelle réalité à chaque fois qu'il s'adresse à quelqu'un.
Il a pleuré, la première fois où il a pu voir un chorusati, pleuré à en tomber à genoux d'adoration.
Et ce n'est que le début.
Il n'a, pour le moment, pas quitté le continent de Seleina, mais prévoit prendre un bateau des que les moyens du bord le permettront. Il vit, au gré de ses envies et de ses rêves, en chantant à qui veut bien l'entendre en échange de pitance ou de pièces. La musique est cette part de lui-même qui n'a pu être ternie par la Citadelle et il s'éprend de la partager au monde.
Lorsque ses élans de ménestrels ne s'avèrent pas suffisamment fructueux pour, il profite de sa moralité flexible pour voler les possessions des plus insouciants. Ou pour leur quémander un lit en échange de faveurs diverses.
Il n'est pas
trop capricieux.