starlight, star bright // seele

Le dos droit, la démarche emplie de grâce, Seele est une jeune femme non sans un charme certain. Toujours parfaitement apprêtée et vêtue de robes plus travaillées les unes que les autres, il va sans dire que la célange attire le regard des curieux.

C'est ce qu'on vous dira oui... Jusqu'à ce qu'elle s'arrête brusquement pour se précipiter sur un étal d'étoffe pour examiner une soie. Derrière ce visage aux traits délicats et cette démarche aérienne, Seele est ce que les gens aiment définir comme un cas. Elle n'écoute que rarement, semble en permanence perdue dans ses pensées, loin, très loin. Mais vous comprenez, tout cela est d'un ennui mortel, elle n'a que faire des sujets banals.

Non, la célange vit pour son oeuvre, sa couture. Et d'un coup, ses yeux brillent comme si on avait dérobé le ciel nocturne pour lui donner. Ce feu qui dévore, cette passion qui brûle, ah, Seele les laisse la consumer toute entière, dicter sa vie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Le doux chant des tissus quand ses ciseaux les découpent avec soin, l'assemblage soigneux des matières, les décorations qu'elle se plait à ajouter... Voilà sa raison d'être ! Et personne ne pourra nier son talent, même les moins convaincus par sa personnalité.

Se plaisait à essayer des choses encore jamais vues auparavant, la célange se plait à jouer les visionnaires. Elle n'a jamais vraiment eu sa langue dans sa poche, racontant depuis toujours tout ce qui lui passe par la tête. On dit que l'honnêteté est une vertu, non ? Ou alors est-ce juste le reste d'un souhait d'enfant de se démarquer. Ce n'est pas comme si Seele était un exemple de maturité après tout. Tantôt émerveillé par les secrets des étoffes, tantôt totalement léthargique face aux taches du quotidien, la voilà changeante. Mais elle ne se gênera pas pour vous dire que quelque chose ne lui plaît pas.

Seele vit selon ses codes après tout. Règles aléatoires, la voilà souvent incomprise, pas assez ouverte d'après la majorité. Mais la jeune femme ne prête guère l'oreille à ces gens. Armée de son aiguille, encore aujourd'hui la voilà prête à créer.

HISTOIRE

- vous comprenez ?
- non.

les regards emplis de jugements se font plus lourds encore dans son dos.
Seele est née noble mais n'a de noble que le sang bleu s'écoulant dans ses veines. Elle ne comprends pas ces choses, le sens lui échappe et semble lui couler entre les doigts comme de l'eau, ses yeux bleus comme des joyaux seuls témoins.

- fais des efforts, je paye ces gens bon sang !
- je n'y arrive pas.

Les tuteurs s'enchaînent mais tous repartent vite avec encore plus d'interrogation sur le visage. Il paraît que la jeune Liela est une idiote, elle ne comprend rien et ne fait même pas mine d'essayer. Aucun n'arrive à savoir ce qui lui trotte dans la tête et Seele elle-même n'en sait rien. Sa caboche est pleine de rêves d'enfants et son regard dérive plus loin encore que l'horizon. A quoi bon avoir des ailes si c'est pour ne jamais quitter ce bout de caillou ? Mais il ne faut pas dire ça, c'est maman qui l'a dit. Maman prie avec ferveur et se pavane, il parait qu'il faut faire pareil.

- des tissus ?
- oui, pour me faire un ruban.

le sourire aux lèvres et des ciseaux d'or sertis de pierres bleues en main, elle coupe avec délicatesse les étoffes. Leur récit est enchanteur et le monde d'un coup semble comme paré des plus belles couleurs. Les astres tanguent et semblent rejoindre ce chant qui résonne avec délice à ses oreilles. Un vieil homme dont la boutique oubliée de tous semble comme une boîte à trésor cachée entre deux rues lui apprend dès qu'elle sort en cachette pour voir la ville. Seele se découvre une passion pour la première fois, bien que quelqu'un de son rang ne fasse pas ce genre de besognes. Maman n'est pas contente, broder c'est une choses mais les vêtements sont faits pour être achetés à des artisans.

- c'est votre ouvrage ?
- oui.

Seele est jeune adulte. Les études ne lui réussissent toujours pas et sa magie est toujours aussi mauvaise, on lui dit qu'elle devrait faire des efforts, qu'elle fait honte à son sang. Mais la célange n'a que faire des racontars et de ce qu'on dit dans son dos. Son esprit ne pense qu'aux tenues qu'elle pourraient réaliser. Elle n'a jamais été douée d'une plume mais se sent animée d'une fierté tout particulière quand elle réalise que son arme c'est l'aiguille avec laquelle elle perce les peaux et étoffes. On ne veut pas offenser la matriarche, mais le talent de la jeune fille ne fait aucun doute. Des tuniques ornées de fil d'or et de broderies remarquables, des robes à la construction étonnantes et encore jamais vues auparavant, des chemises aux cols sertis de pierres... Seele multiplie les créations et les compliments affluent. Maman ne voit pas d'un bonne œil qu'on lui achète ses ouvrages de la sorte, elle n'est pas marchande et n'a jamais été destinée à l'être. Mais Seele n'écoute déjà plus depuis des années déjà, sa passion brûle plus que n'importe quel feu et la reconnaissance obtenue lui donne plus l'envie de continuer que jamais.

- je refuse que tu partes.
- je ne te demandais pas l'autorisation.

La célange est partie de l'île, trop petite pour elle et maman. Elle veut voir le monde, effleurer le rêve du bout des doigts comme on effleure une soie. On parle d'elle parmi les connaisseurs de mode et malgré tout ce que dit maman, elle sait désormais que son talent n'est plus à prouver et se fiche bien des histoires de succession et de mariage.

Le ciel en guide mais sans l'assurance d'un avenir radieux pour autant, la jeune femme continue de coudre des vêtements plus épatants les uns que les autres, amenant toujours ce petit grain de folie qui vient vous prendre par la main. Poussée par l'ivresse du moment, Seele compte bien prouver sa valeur au monde.